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Le papyrus d'Ani: Chapitre XV

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Description

Debout, les mains levées en un geste d'adoration, Ani suivi de son épouse Thouthou. Il est vêtu de la longue robe de fin lin blanc et, au-dessus, d'une chemise courte de teinte safran bordée d'une frange. Ses bras sont ornés de bracelets et il porte un lourd collier. Derrière lui, Thouthou, elle aussi vêtue de la longue robe fine de lin blanc à travers laquelle se dessinent les formes de son corps, porte une lourde perruque ondulée avec le cône à parfum posé sur sa tête, une fleur de lotus surplombant son front. Elle tient dans la main droite le sistre et dans la gauche le menat, figurations qu'on retrouve constamment dans les représentations funéraires. Devant eux, sont dressées deux tables d'offrandes sur lesquelles sont accumulés pains en forme de cônes, gâteaux, cuisses de boeufs, fruits, cruches à huile et à vin, fleurs et lotus.

Texte

Adoration (ou salut à) de Rê lorsqu'il se lève sur l'horizon à l'Orient du ciel.
Vois Osiris, les divines offrandes (faites) aux seigneurs divins par le scribe Ani. Il dit: Salut à toi qui est apparu comme Khepri, comme le Créateur des dieux. Tu te lèves, tu brilles, tu fais briller ta mère Nout, tu es couronné comme le roi des dieux. Ta mère Nout se tourne vers toi les bras levés pour t'adorer. La montagne de Manou est heureuse de t'accueillir, Maât t'embrasse dans les deux saisons. Qu'il donne la splendeur et la puissance, ensemble avec la justification', et qu'il sorte comme une âme-ba vivante pour voir Harakhti et le ka d'Osiris, le scribe Ani justifié devant Osiris.
Salut (ou louanges) à tous les dieux qui sont dans le temple de l'âme-ba , qui pèsent le ciel et la terre dans la balance, qui procurent en abondance la nourriture ! Salut Tatenen, le Un, Créateur de l'humanité et de la substance des divinités du sud, du nord, de l'ouest, de l'est ! Adoration de Rê, le seigneur des cieux, souverain, Vie-Santé-Force, Créateur des dieux. Que ton apparence est belle quand tu t'élèves dans la barque-âttet ! Sois adoré par ceux d'en haut, sois adoré par ceux d'en bas ! Chaque jour Thot et Maât écrivent pour toi. Ton ennemi est jeté au feu, les rebelles sont tombés, leurs bras sont liés, est libre de ses mouvements, les fils de l'impuissante révolte ne se lèveront plus 3. La maison du prince est en fête, les voix (s'élèvent) de ceux qui se réjouissent dans la demeure du puissant.
Les dieux se réjouissent (quand) ils voient Rê dans son lever; ses rayons inondent les pays de sa lumière. Il poursuit sa route dans toute sa majesté, ce dieu vénérable, il arrive dans le pays de Manou, il illumine la terre à sa naissance, chaque jour, il parvient au lieu où il était la veille. Puisses-tu être en paix avec moi ! Je vois tes beautés, j'avance sur la terre, je frappe l'âne, j'écrase les rebelles, je détruis Apopi le moment venu 5. Je vois le poisson-abdjou lors de sa création, et le poisson-inet [dans son aspect réel] et la barque-inet dans son plan d'eau. Je vois Horus comme gardien du gouvernail avec Thot et Maât à ses côtés. Je saisis la corde de proue du bateau-sektet et le cordage de poupe de la barque-âttet. Qu'il ,n'accorde la vision du disque solaire et un regard sur Aah sans cesse chaque jour. Et puisse mon ba sortir au jour et aller dans chaque lieu qu'il lui plaira. Que soit proclamé mon nom quand il est trouvé sur la table des offrandes ; que là soient placées pour moi des offrandes de nourriture, en ma présence, comme les serviteurs d'Horus ; que soit fait pour moi un siège dans le bateau le jour de la sortie du dieu. Que je sois reçu devant Osiris dans la terre des Bienheureux: le ka de l'Osiris Ani.

description

(Partie gauche de l'image)
Isis, à gauche, et Nephthys, à droite, les bras repliés et les mains levées en signe d'adoration. Elles sont revêtues chacune de la robe moulante verte, serrée sous la poitrine par une ceinture marron bordée de noir et de points blancs, faisant un double tour et un noeud d'où pendent deux pans jusqu'aux genoux. Elles portent colliers, bracelets de poignets et de bras, la lourde perruque surmontée de leurs symboles, le siège pour Isis, le château pour Nephthys. Elles sont agenouillées sur des coussins qui représentent le signe hiéroglyphique de l'or (nbw), dont la forme épouse celle d'un collier de perles. Entre elles se dresse le pilier djed sur lequel est posé l'ankh d'où s'élèvent deux bras qui portent le disque solaire.
Ce tableau est fermé sur ses quatre côtés : en bas, le signe l'horizon peint en blanc, en haut, un épais trait incurvé de teinte verte représentant le ciel, sur chaque côté, dressés sur des montagnes placées à la verticale, des babouins, symbolisant les esprits de l'aurore, en adoration devant le soleil levant. Les Égyptiens avaient remarqué que ces singes poussaient des cris et levaient les bras au moment de l'aurore.

(Partie droite de l'image)

Conclusion de l'hymne à Osiris Ounnefer illustré par ces deux vignettes. Scène identique à celle de la première image (voir en haut de la page), avec Thouthou et Ani en adoration, et devant eux une double table chargée d'offrandes.

Texte

Adoration d'Osiris Ounnefer, Dieu Grand dans Abydos, roi de l'Éternité, seigneur éternel, celui dont la vie s'étend sur des millions d'années, fils aîné sorti du sein de Nout, engendré par Geb le Chef, seigneur de la couronne-ourert, gardien de la couronne blanche, prince des dieux et des hommes, celui qui a reçu le sceptre et le fléau et le rang de ses pères, offre ton coeur qui est dans Sat pour ton fils Horus installé sur ton trône. Tu es couronnés comme seigneur de Djedjou, comme régent d'Abydos. A travers toi la terre verdit, ayant été justifié devant la main du seigneur de l'éternité. Il éloigne de son embrasement ce qui n'est pas encore incarné dans son nom (qui est) << Celui qui éloigne de l'embrasement>>. Il unit les Deux Terres (la Haute et la Basse Egypte) dans la justification dans son nom qui est Sokaris. Il est tout-puissant, grand de terreur dans son nom qui est Osiris. Réellement, pour toujours, pour l'éternité son nom est Ounnefer.
Hommage à toi, roi des rois, seigneur des seigneurs, prince des princes, maître de la terre issu du sein de Nout, il a régné sur les Deux Terres et sur Igert. D'or sont ses membres, de lapis-lazuli sa tête, de turquoise sont ses deux flancs. Ani aux millions d'années, au large corps, au beau visage dans Tasert (l'autre monde), accorde la splendeur dans le ciel, la puissance sur la terre, la justification dans Neter-khert (l'autre monde)! Que je navigue vers Djedjet comme une âme vivante, que je navigue vers Abydos comme un phénix, allant et venant sans être repoussé aux portes de la Douat (l'autre monde), que me soient données miches de pain dans la maison des libations et des offrandes dans Annou, un champ stable dans les champs des roseaux et de l'orge et du blé dans cela, pour le ka de l' Osiris Ani.

COMMENTAIRES

C'est en particulier dans les versions thébaines, à commencer par celle du papyrus d'Ani, que ce chapitre, auquel les modernes ont donné le numéro XXV, est placé en tête des papyri, ce qui devrait en faire le chapitre I, les versions thébaines étant, en général, les plus anciennes. Il consiste en hymnes, généralement adressés à , sous ses aspects du soleil levant et du soleil couchant, et à Osiris. Les éditeurs modernes placent souvent ces versions bout à bout: on obtient ainsi l'un des plus longs chapitres du Livre des Morts.
L'hymne à Osiris qui occupe la deuxième planche comporte en fin une seconde vignette semblable à celle qui ouvre le papyrus : on y voit aussi Ani suivi de sa femme Thouthou en prière devant la table d'offrandes.



description

(partie gauche de l'image)

Petite vignette en haut, à gauche: Ani debout dans sa grande robe blanche, les main levées en signe d'adoration face à la barque de . Le dieu soleil est assis dans la barque solaire (sektet). Il est vêtu d'une robe verte et apparaît sous la forme d'un personnage à tête : de faucon coiffé du disque solaire. A la proue de la barque est assis Harpocrate. L'avant de la barque est orné de plumes de Maât et d'un oeil oudjat. Les hauts des deux rames de gouverne, à la poupe, sons ornés de têtes de faucon. La barque elle-même est posée sur le signe  hiéroglyphique du ciel, peint en bleu foncé, pour bien marquer qu'il s'agit de la barque céleste.

(partie droite de l'image)

Ani, debout, en adoration. Derrière lui se tient sa femme Thouhou avec les attributs qu'on voit dans ses mains: sistre, collier-menat... Au-dessus (elle, sur quatre petites colonnes, sont inscrits en hiéroglyphes linéaires son nom et ses fonctions : << Osiris, la maîtresse de la maison, prêtresse d'Amon, Thouthou. >>

Texte

(Partie gauche de l'image)
(Hymne à Rê)
Adoration de quand il se lève sur l'horizon, quand il apparaît en paix dans la vie.
Dire par l'Osiris, le scribe Ani : hommage à toi, Rê dans son lever, (ô) Atoum-Harmakhis. Que soient adorées tes beautés devant mes deux yeux, devenues Esprits (Akhou) sur ma poitrine. Tu vas en paix dans ta barque-sektet, à ton coeur sont donnés les vents dans la barque âdtet. Son coeur se réjouit. Tu parcours le ciel en paix, tes ennemis sont renversés ! Que jubilent les Infatigables, que t'adorent les Indestructibles quand tu te couches sous l'horizon de Manou, tu es beau chaque jour, toi, le Seigneur vivant, établi comme mon maître.
Hommage à toi, Rê dans ton lever, Atoum quand tu te couches dans ta perfection ! Tu te lèves, tu brilles sur le dos de ma mère, toi couronné en tant que roi des dieux. Fais que Nout' rende hommage à ta face, que Maât t'embrasse aux deux saisons [ou jour et nuit]. Tu parcours le ciel, ton coeur est joyeux, le lac des Deux Couteaux est en paix. L'ennemi est tombé, ses deux bras sont coupés, le couteau a tranché ses vertèbres. Rê est dans le bon vent, la barque-sektet a détruit (celui qui) l'a assailli, (tandis qu'on la halait). (Ceux) du sud, du nord, de l'ouest, de l'est t'adorent, toi, le primordial venu à l'existence, proférant le Verbe sur la terre inondée, silencieuse, toi l'Unique qui existait dans le ciel avant que ne soient créées la terre et les montagnes, berger, Seigneur unique, qui a façonné tout ce qui existe, qui a créé par ta langue l'Ennéade, qui a fait respirer ce qui était dans les eaux, (lorsque) tu en surgis sur la terre émergée du lac d'Horus. Je respire les souffles sortis de tes narines et la brise du nord issue de ta mère. (Puisses)-tu glorifier mon akh, (puisses-tu) rendre divine mon âme-ba d'Osiris.
Sois adoré en paix, Maître des dieux, tu es exalté dans tes merveilles. Que tes rayons brillent sur ma poitrine le jour.
L'Osiris, le scribe comptable des offrandes divines à tous les dieux, scribe du double grenier des seigneurs d'Abydos, véritable scribe royal, aimé (du roi), Ani, justifié en paix.

COMMENTAIRES

Cet hymne à Rê est particulier au manuscrit d'Ani, bien qu'on l'ait assimilé au chapitre XV du Livre des Morts. En réalité, il n'a que peu de rapports avec le texte de la vulgate qui commence par une longue prière à Amon-Rê d'Héliopolis.
La barque-sektet est la barque nocturne de Rê qui est halée par les esprits et combat victorieusement Apopi qui tente d'entraver son avance à travers les heures de la nuit.
La suite est une allusion à la création par la parole de Rê assimilé à Atoum, premier existant. La référence au << berger >>, pasteur de son peuple, et ici pasteur des dieux et du monde, est une comparaison qui remonte aux époques préhistoriques. La plus ancienne mention connue d'un dieu berger se trouve en Sumer et remonte aux premiers siècles du Ille millénaire. Il s'agit du << berger >> Dumuzi, donné comme roi de Badtibira, une ville de Sumer, dans les anciennes listes royales. Il est aussi parfois dit roi d'Uruk, comme Gilgamesh qui est aussi parfois appelé << berger >>. Dumuzi, identifié au cananéen Tammuz, apparaît, plus tardivement, sous la forme d'un dieu qui meurt, dans ses amours avec la déesse sumérienne Inanna, identifiée par la suite à la sémitique Ishtar. Dans le mythe de Dumuzi et Enkimdu, la déesse Inanna hésite à choisir entre le berger Dumuzi et le fermier Enkimdu : le mythe se réfère à la lutte entre tribus restées à l'état pastoral et clans fixés devenus fermiers. C'est le modèle du mythe biblique de Caïn et Abel. Comme on sait, cette symbolique, qu'on rencontre aussi en Grèce, va trouver son aboutissement dans la figure chrétienne du Bon Pasteur.
Dans un pays chaud comme l'Égypte, la brise du nord apportait une délicieuse fraîcheur à laquelle les Égyptiens étaient naturellement sensibles. Cette brise venait du ciel, c'est-à-dire de Nout, la mère des dieux.

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Copyright © Copyright © Guy Rachet. Le livre des morts des anciens Egyptiens. Introduction, traduction inédite et commentaires. Edition du Rocher