Egypte ancienneEgypte ancienne

Osiris

Dieu de la terre et de la végétation

Dieu anthropomorphe représenté coiffé d'une couronne décorée de deux hautes plumes, il tient en main les symboles de la royauté: le fouet « neheh » et le sceptre « heqa ». Il est probablement le plus connu des dieux égyptiens. Il le doit partiellement à ce mouvement d'intérêt déjà deux fois millénaire qui parsema de ses sanctuaires les rives méditerranéennes, mais il faut surtout y voir une conséquence du caractère essentiellement humain de sa légende, il n'a rien de comparable à ces divinités difficiles à cerner dont le panthéon Égyptien est si riche, entités complexes jaillies de la préhistoire, à la fois puissances élémentaires, êtres mi-hommes, mi-animaux, dont l'aspect exotique nous déconcerte. Il est simplement pour nous un être de chair, qui a connu, sur la terre, la trahison et la mort et qui, ressuscité par la piété conjugale de sa femme Isis, a triomphé de cette mort, apportant à tous les humains l'assurance d'une survie éternelle.
Pourtant avant de devenir une divinité reconnue dans l'Égypte entière, Osiris avait connu des débuts très modestes. Que fut-il exactement dans l'esprit de ses premiers adorateurs? Sans doute un dieu incarnant les puissances de la terre et des plantes. Mais cette personnalité initiale, du reste purement hypothétique, ne tarda pas à s'enrichir, au fur et à mesure que son culte s'étendait géographiquement, il hérita des fonctions des dieux qu'il éclipsait. A Busiris {« le domaine d'Osiris »} même, où nous surprenons sa première apparition, il a déjà remplacé un divinité plus ancienne, Andjty, qui fut, semble-t-il, un dieu roi, c'est de lui qu'il prit certains traits de sa légende qui le firent considérer comme un souverain des premiers temps. Au conflit qui l'opposa ensuite à d'Héliopolis succéda un compromis, intégré à la grande énnéade il devint fils de Nout et de Geb, frère d'Isis, de Nephthys et de Seth, tandis qu'Horus, initialement dieu faucon de l'empyrée, se dédoublait pour devenir, sous son nouvel aspect, fils d'Osiris et d'Isis. Son passage à Memphis, et son assimilation à Sokaris, forme de puissance chthonienne déjà associée au dieu Ptah, accentuent les traits de sa légende relatifs à sa royauté terrestre et, en même temps, lui donnent ses premiers aspects funéraires. Puis, Abydos le reçoit, où il remplace définitivement Khentamentiou, patron des morts et des nécropoles. Devenu maintenant dieu de l'au-delà et garant de la résurrection humaine, il se répand dans toute l'Égypte, supplantant finalement la religion solaire sur les terrains de l'au-delà. A la fin de la Ve dynastie, le roi mort est déjà un Osiris, et l'humanité courante, qui assistait jadis à la conquête du ciel menée par le souverain défunt et ne pouvait le suivre dans cette apothéose que par une fusion vague et anonyme de l'Égypte vivante dans la personne collective de son roi, accède désormais individuellement, sur les pas d'Osiris, dans un autre monde souterrain, démocratiquement ouvert à tous.
Pourvu d'une personnalité multiple, résumant ses conquêtes géographiques successives, Osiris règne donc sur l'au-delà: sa survie et sa résurrection, assurées par les pratiques d'embaumement, ont ouvert aux humains l'éternité d'un nouveau royaume. Mais son passage à Héliopolis lui a laissé aussi d'autres aspects: il est resté l'un de ces astres qui éclairent la nuit, Orion du ciel du sud, mais aussi la lune. Et Osiris qui a supplanté le soleil dans les croyances d'au-delà, devient dans la théologie courante l'un de ces aspects; il est une forme du soleil nocturne, et l'on parle maintenant d'une « âme double », dont Rê est une manifestation, et Osiris la seconde. Isis et Nephthys qui avaient entouré de leur affectueuse présence la résurrection du dieu mort, deviennent les déesses qui accueillent le soleil à son lever, et les Grecs, qui ont recueilli des échos très tardifs de sa théologie, ont pu affirmer qu'il « était le soleil ». Heureusement, à côté des synthèses menées par les théologiens pour tenter de concilier tous les aspects successifs d'Osiris, en les juxtaposant sans jamais rien en soustraire, la mythologie populaire se chargea de construire une « légende Osirienne», moins exhaustive sans doute, mais plus cohérente.
Certains épisodes de la légende osirienne étaient représentés, annuellement, lors des fêtes d'Abydos. D'autres cérémonies, secrètes, celles-là, des mystères, s'accomplissaient dans certaines salles retirées des temples. Elles traduisaient moins le caractère humain de la légende osirienne que sa fonction originelle de dieu de la terre et des forces végétales. Elles avaient lieu au début du IVe mois de l'an Egyptien, lorsque les eaux de l'inondation, se retirant, allaient bientôt laisser les champs émerger et s'ouvrir aux cultures. On façonnait alors de petites statues d'argile humide, ayant la forme d'Osiris, et l'on mêlait ce limon de grains, le tout était déposé sur un lit. Au bout de quelques jours, les grains germaient et un petit fourré poussait, dont les contours conservaient la forme de la statue de terre qui leur avait donné naissance. Tels sont les « Osiris végétants », figures vertes et viriles, de l'imagerie sacrée, jardinets divins que l'on retrouve parfois, flétris, dans les tombes thébaines. Ainsi comme son dieu, la terre égyptienne, après sa mort annuelle sous la brûlure de l'été, renaissait avec le retrait des eaux et s'ouvrait sous un nouveau jaillissement de vie. Les égyptiens d'aujourd'hui, qui font encore germer les lentilles dans du coton humide, lors de certaines fêtes religieuses, se doutent-ils du caractère millénaire de cette pratique?
Ainsi lorsque nous contemplons la statue du dieu Osiris, étroitement gainé dans son habit collant, les bras croisés sur la poitrine, serrant le fouet et le sceptre, la tête coiffée de la mitre blanche flanquée des deux grandes plumes, une double image naît-elle devant nous: l'une très humaine, et très proche de notre sensibilité, nous montre un être bienfaisant qui subit l'épreuve de la mort et en triomphe, apportant du même coup le salut aux hommes. L'autre, beaucoup plus primitive, mais non moins séduisante, évoque un être divin qui incarne la terre égyptienne et sa végétation, périodiquement détruite par le soleil et la sécheresse, et périodiquement renaissante.